Il est assez déplorable que la médecine moderne ait une fâcheuse tendance à ne faire des diagnostics que par machine interposée, reléguant le médecin à un lecteur de comptes-rendus d’examens biologiques ou d’examens d’imagerie, et il est probable que le déclin de la relation médecin-patient soit en grande partie dû à cela.
Or s’il est un domaine où cette relation est importante, c’est bien celui du diagnostic et du traitement de l’hypothyroïdie. Il peut arriver, en effet, que rien n’apparaisse très probant dans un certain nombre de tests biologiques tandis que le patient présente des symptômes évidents de dysfonctionnement de la thyroïde.
Combien de personnes traitées pour rétention d’eau par des diurétiques, pour dépression par des anti-dépresseurs, pour constipation par des laxatifs, pour prise de poids par des régimes sévères, alors que le diagnostic d’hypothyroïdie aurait pu être fait simplement par une écoute des symptômes.
Voici les tests sanguins qui représentent la vraie valeur ajoutée pour le diagnostic d’hypothyroïdie :
- La TSH (thyroid stimulating hormone) est sécrétée non pas par la thyroïde mais par l’hypophyse dont le rôle est de surveiller ce qui se passe dans nos cellules.
C’est le test le plus utilisé (et même souvent le seul utilisé)
Le niveau de TSH s’élève dans le sang lorsque la thyroïde commence à baisser son activité.
L’hypophyse, qui est sous le contrôle de l’hypothalamus booste l’activité de la thyroïde en augmentant sa libération de TSH.
Le niveau normal de TSH se situe autour de 0.15 à 2.5 micro units/ml.
L’American Association of Clinical Endocrinologists considère les valeurs comprises entre 0.3 et 3 comme normales.
Toute mesure supérieure à 2.5 est suspecte d’être révélatrice d’une hypothyroïdie.
Malheureusement ce test peut parfaitement se situer dans la zone de normalité alors que l’activité thyroïdienne est trop basse. C’est le cas lorsque l’hypophyse ne fonctionne pas correctement et ne répond pas aux sollicitations de l’hypothalamus ou lorsque l’hypophyse a été endommagée par l’hypothyroïdie elle-même.
- La T4 (thyroxine) est fabriquée dans la thyroïde à partir de l’iode
La fraction libre de la thyroxine (celle qui n’est pas liée à une protéine de transport dans le sang) est considérée comme normale lorsque son taux est compris entre 9 et 28 pmols/ml
- La T3 (tri-iodothyronine) vient de la thyroïde, du foie, des reins et des muscles.
C’est l'hormone active : elle provient de la conversion par une enzyme, la 5’deiodinase, de T4 qui, en perdant un atome d’iode, devient T3. La valeur normale de sa fraction libre est comprise entre 3.3 et 8 pmols/ml.
- La T3R ou T3 reverse diffère de la T3 par la position des atomes d’iode, ce qui en fait une hormone pratiquement inactive.
Toute déficience de l’enzyme 5’deiodinase (stress, restrictions caloriques, déficit en zinc, sélénium, magnésium, Vit E et Vit C mais aussi certains médicaments comme les bêtabloqueurs, la cortisone, la Cordarone et des agents anesthésiques) aboutit à une augmentation de la production de RT3 et une perte d’activité de la T4.
- Les anticorps antithyroïdiens (anti-peroxydase TPO et anti-thyroglobuline TgAB)
Leur présence dans le sang est l’indication d’un processus auto-immun (processus d’autodestruction de ses propres organes).
Malheureusement, ces tests sont d’une fiabilité relative...
La première raison est que ces mesures sont faites dans le sang et que ce que nous voulons savoir est ce qui se passe dans nos cellules, et le test sanguin ne peut pas nous le dire : c’est un instantané.
Un ralentissement circulatoire crée une hémoconcentration (fuite de liquide hors des vaisseaux sanguins) et ainsi un taux d’hormones thyroïdiennes plus élevé qu’il ne faudrait. Si les récepteurs hormonaux (structures situées sur les membranes des cellules sur lesquelles les hormones viennent se fixer pour déclencher leur action à l’intérieur de la cellule) sont déficients, le taux des hormones inutilisées augmente dans le sang donnant l’illusion de taux normaux ou élevés alors qu’on se trouve en situation d’hypothyroïdie intra-cellulaire.
Un autre problème fréquent est la mauvaise conversion de T4 en T3 due à une déficience de l’enzyme 5’deiodinase (carence en zinc, manganèse…) qui engendre la production d’une fausse T3 ou T3 reverse, ce qui ne se reconnaît pas dans un dosage de T3 normal. L’insuffisance surrénalienne (très fréquente) est une cause d’erreur d’interprétation des valeurs sanguines de T3 et T4 car elle affecte la production de ces hormones.
En réalité, un bilan complet s’avère nécessaire pour explorer le fonctionnement hépatique et la régulation de nos différents systèmes hormonaux, aussi bien ceux qui gèrent les hormones sexuelles (Œstrogènes et Progestérone), les hormones surrénaliennes (Cortisol, DHEA, Pregnénolone), et les hormones pancréatiques, notamment l’insuline.
Le véritable diagnostic de l’hypothyroïdie est donc avant tout clinique, les examens biologiques jouant le rôle d’examens complémentaires.
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Bibliographie
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Braverman, L, Cooper D. Werner & Ingbar's The Thyroid, 10th Edition. WLL/Wolters Kluwer; 2012.
Garber, J, Cobin, R, Gharib, H, et. al. Clinical Practice Guidelines for Hypothyroidism in Adults : Cosponsored by the American Association of Clinical Endocrinologists and the American Thyroid Association. Endocrine Practice. Vol 18 No. 6 November/December 2012.
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