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Les relations entre les maladies dentaires, la graisse abdominale et les risques pour la santé

  • Dr Didier Panizza
Tout le monde a entendu parler de ces problèmes dentaires qu’on appelle “maladies parodontales”, mais leur lien avec la graisse abdominale, l’obésité et les risques pour la santé est un sujet d’intérêt scientifique récent. Il ouvre la voie à une meilleure prise en charge conjointe des 2 maladies.
Il se trouve en effet que la communauté scientifique produit de plus en plus de recherches au sujet des relations entre les maladies parodontales et ce qu’on appelle le syndrome métabolique. Leurs premiers éléments de réponse se trouvent dans la plupart des publications scientifiques dont je vais vous faire un résumé simple.

Les principales maladies bucco-dentaires

 
 
Les maladies parodontales sont les principales maladies bucco-dentaires. Elles désignent l’ensemble des perturbations qui touchent les tissus autour de la dent : la gencive, le ligament parodontal, le cément et l’os alvéolaire. Et résultent le plus souvent d’une inflammation en réponse à la présence de bactéries pathogènes ou d’infections persistantes.
Les deux formes les plus communes de la maladie parodontale sont la gingivite et la parodontite.
La gingivite est une inflammation de la gencive sans perte d’os alvéolaire : elle est provoquée par la plaque dentaire et peut disparaître grâce à une bonne hygiène buccale.
La parodontite est une inflammation plus sérieuse qui conduit à la perte du support de la dentition et, en particulier, à une perte progressive et irréversible de l’os alvéolaire, puis à un déchaussement et à une perte de la dent. (La parodontite sévère est la 6ème maladie dans le monde).
Il faut savoir que 47% des américains de plus de 30 ans ont une parodontite, et la prévalence dépasse 70% pour les plus de 65 ans, touchant davantage les hommes et les fumeurs (et fumeuses).

Qu’entendons-nous par “syndrome métabolique” ?

Le syndrome métabolique n’est pas une maladie en soi ; cette expression désigne “un ensemble de perturbations qui augmentent considérablement les risques de maladies ou accidents cardio-vasculaires, de diabète de type 2, de cancers et de maladies dégénératives.”
Les signes du syndromes métabolique sont :
  • une glycémie élevée et une perturbation du métabolisme des sucres
  • la présence de graisse abdominale péri-viscérale (embonpoint abdominal)
  • taux élevé de triglycérides sanguins
  • faible taux de « bon » cholestérol (HDL) et oxydation du Ldl cholestérol, associé à l’hypertension artérielle.
Ce syndrome métabolique s’est développé de manière inquiétante durant ces dernières décennies parallèlement à l’obésité. Aux USA par exemple, l’augmentation du syndrome métabolique dans la population a connu un bon de 34% pour la période 2003-2006 puis de 34,7% pour la période 2011-2012. Dans le même temps, l’obésité est passée de 33,4% à 35,3% de la population (1). La prévalence du syndrome métabolique augmente avec l’âge : 18,3% chez les 20-39 ans, 46,7% chez les plus de 60 ans.
En somme, l’existence d’un syndrome métabolique est révélatrice de risques pour la santé et de risque d’obésité.

Maladie parodontale et syndrome métabolique, quels liens ?

Comme je vous le disais, de nombreuses études ont mis en évidence les liens entre la maladie parodontale et le syndrome métabolique dont vous pouvez voir les références à la fin de cet article (2, 3).
Nibali et al. (4) ont montré que les patients avec maladie parodontale étaient deux fois plus nombreux à associer un syndrome métabolique que les sujets témoins. D’autres études (2,5,6) ont montré que le risque de maladie parodontale augmentait avec le nombre de composants du syndrome métabolique.
Pourquoi ? parce qu’ils sont tous 2 engagés dans la spirale infernale de l’inflammation.
La plaque dentaire associée à des facteurs aggravants comme le tabagisme et le diabète de type 2 génère une réaction inflammatoire anormale, voire exubérante qui est responsable de la destruction des tissus parodontaux. Cette réaction inflammatoire se caractérise par une production de “cytokines inflammatoires” (de type TNFalpha, interleukine 1béta, interleukine 6, 11 et 17) responsables d’une résorption de l’os alvéolaire.
Le Syndrome métabolique est avant tout synonyme d’une résistance à l’insuline qui elle-même génère de l’inflammation. Le rôle de l‘insuline sécrétée par le pancréas est de faire entrer le sucre dans nos cellules où il est utilisé comme carburant. La résistance à l’insuline est l’incapacité pour nos cellules de répondre à la sollicitation de l’insuline et d’utiliser le sucre. C’est pourquoi, l’obésité est associée au phénomène de résistance à l’insuline.
L’inflammation liée au syndrome métabolique s’exprime à travers 2 mécanismes :
  • L’augmentation de la concentration en acides gras dans le sang : ils proviennent des adipocytes qui ne peuvent plus stocker de graisse
  • De la perte des effets anti-inflammatoires de l’insuline
A son tour, cette situation engendre de la part des adipocytes et des globules blancs qui les entourent une production de redoutables protéines inflammatoires du type TNFalpha et Interleukine 6.
La concentration en cytokines inflammatoires et le niveau de stress oxydatif contribuent à réduire la sensibilité à l’insuline. L’inflammation devient alors chronique. Les sujets ayant un syndrome métabolique et une maladie parodontale ont des taux élevés de protéines inflammatoires dans le sang.
L’inflammation du Syndrome Métabolique nourrit alors celle des Maladies Parodontales et vice et versa… Autrement dit, le syndrome métabolique prédispose à la maladie parodontale et vice-versa.
Le lien entre la maladie parodontale et le syndrome métabolique est donc le stress oxydatif (excès d’oxydation par rapport aux défenses anti-oxydantes) qui génère l’inflammation.

Voyons comment en détail : quelles sont les relations entre les différents paramètres du syndrome métabolique et la maladie parodontale

  • Métabolisme des sucres : Les sucres mal utilisés se fixent sur des protéines (glycation) et donnent naissance à des PTG ou produits terminaux de glycation hautement dangereux car générateurs d’inflammation (production de TNFalpha et IL-6
  • Obésité : le surpoids, l’obésité et l’augmentation du tour de taille sont tous des facteurs de risque de la maladie parodontale. Le lien se fait par l’hyperproduction de TNFalpha et IL-6 par les adipocytes et les macrophages du tissu adipeux. Ces deux cytokines inflammatoires augmentent la production d’ostéoclastes (cellules qui détruisent l’os) et contribuent à la destruction de l’os alvéolaire.
  • Athérome : l’élévation des triglycérides, l’oxydation du LDL-cholestérol, et la baisse du HDL-cholestérol sont des marqueurs déterminants du syndrome métabolique et des promoteurs de l’athérosclérose et des lésions coronariennes (7,8,9). Romagna et al. ont montré que l’augmentation de leur prévalence était corrélée à la maladie parodontale. Une étude japonaise portant sur des personnes âgées (10) a montré que les sujets ayant un taux de HDL-cholestérol bas avaient davantage d’anticorps anti Pseudomonas gingivalis, une bactérie fréquemment retrouvée dans la maladie parodontale, ainsi que d’autres bactéries qui ont la particularité de larguer des produits toxiques appelés Lipopolysaccharides (LPS). Les cytokines inflammatoires et les LPS stimulent la production de triglycérides ou freinent leur élimination.
  • Hypertension artérielle : l’inflammation, les bactéries et le stress oxydatif sont associés à la maladie parodontale (11). Morita et al. (6) ont montré que l’hypertension et les autres composants de la maladie parodontale étaient étroitement corrélés à la formation des poches périodontiques (poches qui se forment entre la dent et la gencive.​​

Du dentiste au médecin : Vers une prise en charge transversale de l’inflammation

La mise en évidence des relations entre le syndrome métabolique et la maladie parodontale ouvre des perspectives cliniques importantes.
La perturbation du métabolisme des sucres et l’obésité sont les deux paramètres les plus corrélés à la maladie parodontale : l’obésité est associée à une inflammation chronique de bas grade qui induit un stress oxydatif et amène à la destruction des tissus parodontaux.
Les traitements non chirurgicaux des problèmes parodontaux semblent réduire les niveaux d’inflammation dans le sang (12,13) ce qui laisse entrevoir que le traitement précoce de la maladie parodontale pourrait être, pour une part importante, un bon traitement du syndrome métabolique.
A l’évidence une meilleure collaboration entre les praticiens de la santé de la bouche et ceux de la santé en général permettrait de dépister précocement les patients à risques pour une réelle et efficace prévention des maladies chroniques dont la prévalence partout dans le monde ne cesse de croître.
Les médecins doivent travailler avec leurs confrères dentistes pour que les patients diagnostiqués syndrome métabolique puissent bénéficier d’une évaluation dentaire et d’un traitement lorsqu’il existe une maladie parodontale ; inversement il est indispensable que les patients souffrant de maladie parodontale puissent faire explorer leurs paramètres métaboliques à la recherche d’un syndrome métabolique.
Cette double prise en charge permettra d’améliorer la santé de la bouche qui a tant d’importance pour la santé en général et la santé métabolique nécessaire pour se préserver des maladies chroniques, fléau du monde moderne.
Docteur Didier Panizza
 
Bibliographie
1-Periodontal disease and the metabolic syndrome. Lamster IB, Pagan M. Int Dent J. 2017 Apr;67(2):67-77.
2-Metabolic syndrome parameters in adolescents may be determinants for the future periodontal diseases. Lee KS, Lee SG, Kim EK, Jin HJ, Im SU, Lee HK, Merchant AT, Song KB, Choi YH. J Clin Periodontol. 2015 Feb;42(2):105-12.
3-Association of the metabolic syndrome with severe periodontitis in a large U.S. population-based survey. D'Aiuto F, Sabbah W, Netuveli G, Donos N, Hingorani AD, Deanfield J, Tsakos G. J Clin Endocrinol Metab. 2008 Oct;93(10):3989-94.
4-Clinical review: Association between metabolic syndrome and periodontitis: a systematic review and meta-analysis. Nibali L, Tatarakis N, Needleman I, Tu YK, D'Aiuto F, Rizzo M, Donos N. J Clin Endocrinol Metab. 2013 Mar;98(3):913-20.
6-Association between periodontal disease and metabolic syndrome. Morita T, Ogawa Y, Takada K, Nishinoue N, Sasaki Y, Motohashi M, Maeno M. J Public Health Dent. 2009 Fall;69(4):248-53.
7-Relationship between coronary artery disease and periodontal disease. What the cardiologist must know. Laurent F, Romagna C, Laurent Y, Chaux-Bodard AG, Veyre S, Hemar J, Perrin D, Berruex L, Cottin Y, Malquarti G. Ann Cardiol Angeiol (Paris). 2007 Dec;56(6):297-302.
8-Evaluating periodontal risk for patients at risk of or suffering from atherosclerosis: recent biological hypotheses and therapeutic consequences. Huck O, Saadi-Thiers K, Tenenbaum H, Davideau JL, Romagna C, Laurent Y, Cottin Y, Roul JG. Arch Cardiovasc Dis. 2011 May;104(5):352-8
9-Periodontal disease: a new factor associated with the presence of multiple complex coronary lesions. Romagna C, Dufour L, Troisgros O, Lorgis L, Richard C, Buffet P, Soulat G, Casillas JM, Rioufol G, Touzery C, Zeller M, Laurent Y, Cottin Y. J Clin Periodontol. 2012 Jan;39(1):38-44
10-Serum antibody to Porphyromonas gingivalis in metabolic syndrome among an older Japanese population. Iwasaki M, Minagawa K, Sato M, Kaneko N, Imai S, Yoshihara A, Miyazaki H. Gerodontology. 2016 Jun;33(2):193-200.
11-Periodontitis and blood pressure: the concept of dental hypertension. Tsioufis C, Kasiakogias A, Thomopoulos C, Stefanadis C. Atherosclerosis. 2011 Nov;219(1):1-9.
12-Effects of periodontal therapy on systemic markers of inflammation in patients with metabolic syndrome: a controlled clinical trial. López NJ, Quintero A, Casanova PA, Ibieta CI, Baelum V, López R. J Periodontol. 2012 Mar;83(3):267-78.
13-The effect of periodontal treatment on serum leptin, interleukin-6, and C-reactive protein. Shimada Y, Komatsu Y, Ikezawa-Suzuki I, Tai H, Sugita N, Yoshie H. J Periodontol. 2010 Aug;81(8):1118-23.

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