Le terrain génétique correspond aux types HLA-DQ2 et HLA-DQ8, exprimés par 20 ou 30% de la population (2).
La protéine gliadine, rappelons le, insoluble, résiste à la digestion par les enzymes digestifs, si bien qu’elle arrive presque intacte dans l’intestin où elle déclenche une sécrétion de zonuline. La zonuline dont le rôle physiologique est de lutter contre la colonisation bactérienne via l’ouverture des jonctions serrées et l’émission d’un flux liquide destiné à repousser les micro-organismes envahisseurs, devient ainsi, à cause d’une stimulation répétée, un agent pathogène favorisant les maladies inflammatoires et auto-immunes (3)(4).
Les fragments non digérés de gliadine pénètrent dans le corps et au contact de l’enzyme transglutaminase provoquent une réaction immunologique dont la conséquence est la production de cytokines qui détruisent les cellules épithéliales et atrophient les villosités, générant de graves troubles d’absorption et des carences nutritionnelles. La maladie coeliaque peut se manifester de trois manières qui ont été décrites en 2012 par un groupe d’experts internationnaux (5) :
1- la forme symptomatique, se déclarant dans l’enfance et chez les femmes jeunes qui présentent des troubles intestinaux et des carences nutritionnelles (diarrhée – anémie – fatigue, déclenchement d’autres maladies auto-immunes).
2- la forme asymptomatique, où le système immunitaire produit les anticorps spécifiques mais sans ou peu de symptômes digestifs, mais avec un risque important d’autres maladies auto-immunes (diabète de type I, thyroïdite de Hashimoto, psoriasis ou dermatite herpétiforme) comme cela a été observé en 2008 par le Groupe d’étude et de recherche sur la maladie coeliaque (6) et avec des risques augmentés de 30% de cancer digestif en cas de persistance d’une alimentation avec gluten (7).
3- la forme dormante, avec présence d’anticorps anti-transglutaminase mais sans lésion intestinale ni symptôme digestif. Dans ce cas, il semble que l’organisme contienne l’évolution de la maladie, mais avec l’incertitude de développer d’autres maladies auto-immunes en cas de poursuite d’une alimentation normale.
Il n’y a pas de marqueur fiable à 100% qui permette d’affirmer avec certitude l’existence d’une maladie coeliaque : le diagnostic est évoqué cliniquement par l’existence de troubles intestinaux et nutritionnels et conforté par l’identification d’un typage HLA-DQ2 ou HLA-DQ8 et la présence dans le sang d’anticorps IgA antitransglutaminase tissulaire (IgA tTG), d’IgA anti-endomysium (IgA EMA), d’IgA anti-gliadine (IgA AGA) et une biopsie intestinale montrant la destruction des villosités.
La maladie coeliaque, qui détruit l’intestin, est, comme nous venons de le voir, une maladie auto-immune grave qui nécessite une prise en charge spécialisée et une éviction totale et définitive du gluten. Elle sort de notre propos, qui est d’étudier les relations entre les perturbations de l’intestin et l’accumulation de graisse dans le corps.
Nous sommes donc beaucoup plus concernés par ce qu’on appelle aujourd’hui l’hypersensibilité non coeliaque au gluten (Non Celiac Gluten Sensitivity NCGS) qui recouvre l’ensemble des désagréments, intestinaux et extra-intestinaux consécutifs à l’ingestion d’aliments contenant du gluten chez des personnes n’ayant pas de maladie coeliaque ou d’allergie à la farine. La prévalence de la NCGS dans la population est difficile à estimer car de nombreux patients s’auto-diagnostiquent et n’attendent pas l’avis de leur médecin pour se mettre d’eux mêmes à une diète sans gluten. De la grande étude menée par Carroccio et al, il ressort que la prévalence de la NCGS dans la population générale pourrait être de l’ordre de 1%, avec une fréquence plus élevée chez les femmes et les adultes jeunes (9).
La NCGS est caractérisée par des symptômes qui apparaissent avec l’ingestion de gluten et qui disparaissent lorsqu’on l’exclue, en quelques heures ou quelques jours : douleurs abdominales, ballonnement, transit intestinal perturbé (constipation ou diarrhée), esprit embué, maux de tête, fatigue, douleurs articulaires et musculaires, engourdissement des pieds et des mains, dermatoses (eczéma ou rash cutané), dépression ou anémie. Chez les enfants, les manifestations les plus fréquentes sont les douleurs abdominales , la diarrhée et la fatigue (10).
Dans les dernières décennies, plusieurs études ont suggéré une relation entre la NSCG et des troubles neuropsychiatriques comme l’autisme et la schizophrénie. L’hypothèse est que les peptides provenant de la digestion incomplète du gluten franchissent la barrière intestinale (leaky gut), passent dans le sang et traversent la barrière hémato-méningée pour venir perturber les neurotransmetteurs. L’accumulation de substances opioïdes pourrait expliquer les troubles constatés chez les sujets autistes où la prévalence du leaky gut est de 36.7% contre 4.8% chez les sujets témoins (11).
Quoi qu’il en soit, la NSCG se traduit par une inflammation intestinale et le cortège de signes cliniques que nous venons de décrire. L’inflammation et la sécrétion de zonuline engendrent une augmentation de la perméabilité par l’ouverture des TJ et un contact avec les cellules du système immunitaire adaptatif, les lymphocytes qui déclenchent la fabrication d’immunoglobulines de type IgG spécifiques anti-gliadine. La consommation régulière des aliments à gluten entraîne ensuite une cascade de réactions de défenses dont la formation de complexes immuns (union antigène-anticorps) que notre corps à du mal à éliminer et qui s’accumulent dans nos tissus (articulations, notamment). La détection d’anticorps constitue une preuve qu’il existe un contact permanent entre le gluten et le système immunitaire, surtout si des concentrations élevées en anticorps sont mesurées. L’éviction des aliments à gluten entraîne une chute de la concentration des anticorps, dans des délais plus ou moins variables, mais de toutes façons assez longs. D’autres substances contenue dans les farines pourraient également jouer un rôle important dans l’inflammation de l’intestin, ce sont les enzymes de la famille des inhibiteurs de l’amylase-trypsine (amylase-trypsine inhibitors ou ATis) qui sont cinq ou six protéines de faible poids moléculaire hautement résistances aux enzymes protéolytiques intestinales et qui stimulent les complexes TLR-4/MD2/CD14 et déclenchent la production de cytokines inflammatoires (12).
Ce qui laisse entrevoir la possibilité de personnes à NCGS IgG anti-gliadine positif et à NCSG anti-gliadine négatif. Dans une étude publiée en 2012, Volta et al (13) retrouve, dans un groupe de 78 personnes NCGS non traités, 56.4% de tests IgG anti-gliadine positifs, alors que dans la maladie coeliaque la positivité est de 81.2%.
Ce qu’il faut retenir : 3 niveaux de réaction au gluten
1-Allergie au gluten
2-Intolérance au gluten ou maladie coeliaque
3-Hypersensibilité au gluten ou NCGS (non celiac gluten sensitivity)
Dans tous les cas : exclusion des aliments à gluten (blé, seigle,orge et avoine)
1- Fasano A. Celiac disease–how to handle a clinical chameleon. N Engl J Med. 2003 Jun 19;348(25):2568-70
2- Sapone A, Lammers KM, Mazzarella G, Mikhailenko I, Cartenì M, Casolaro V, Fasano A. Differential mucosal IL-17 expression in two gliadin-induced disorders: gluten sensitivity and the autoimmune enteropathy celiac disease. Int Arch Allergy Immunol. 2010;152(1):75-80.
3- Shamir R. Advances in celiac disease. Gastroenterol Clin North Am. 2003 Sep;32(3):931-47.
4- El Asmar R1, Panigrahi P, Bamford P, Berti I, Not T, Coppa GV, Catassi C, Fasano A. Host-dependent zonulin secretion causes the impairment of the small intestine barrier function after bacterial exposure. Gastroenterology 2003 Jan;124(1):275.
5- Fasano A1. Zonulin and its regulation of intestinal barrier function: the biological door to inflammation, autoimmunity, and cancer. Physiol Rev. 2011 Jan;91(1):151-75.
6- Ludvigsson JF, Leffler DA, Bai JC, Biagi F, Fasano A, Green PH, Hadjivassiliou M, Kaukinen K, Kelly CP, Leonard JN, Lundin KE, Murray JA, Sanders DS, Walker MM, Zingone F, Ciacci C. The Oslo definitions for coeliac disease and related terms. Gut. 2013 Jan;62(1):43-52.
7- Cosnes J, Cellier C, Viola S, Colombel JF, Michaud L, Sarles J, Hugot JP, Ginies JL, Dabadie A, Mouterde O, Allez M, Nion-Larmurier I; Groupe D’Etude et de Recherche Sur la Maladie Coeliaque. Incidence of autoimmune diseases in celiac disease: protective effect of the gluten-free diet. Clin Gastroenterol Hepatol. 2008 Jul;6(7):753-8.
8- Askling J1, Linet M, Gridley G, Halstensen TS, Ekström K, Ekbom A. Cancer incidence in a population-based cohort of individuals hospitalized with celiac disease or dermatitis herpetiformis. Gastroenterology. 2002 Nov;123(5):1428-35.
9- Carroccio A, Mansueto P, Iacono G, Soresi M, D’Alcamo A, Cavataio F, Brusca I, Florena AM, Ambrosiano G, Seidita A, Pirrone G, Rini GB. Non-celiac wheat sensitivity diagnosed by double-blind placebo-controlled challenge: exploring a new clinical entity. Am J Gastroenterol. 2012 Dec;107(12):1898-906.
10- Mastrototaro L., Castellaneta S., Gentile A., Fontana C., Tandoi E., Dellatte S., Romagnoli V., Catassi C., Francavilla R. Gluten sensitivity in children: Clinical, serological, genetic and histological description of the first paediatric series. Dig. Liver Dis. 2012;44:S254–S255.
11- de Magistris L1, Familiari V, Pascotto A, Sapone A, Frolli A, Iardino P, Carteni M, De Rosa M, Francavilla R, Riegler G, Militerni R, Bravaccio C. Alterations of the intestinal barrier in patients with autism spectrum disorders and in their first-degree relatives.J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2010 Oct;51(4):418-24.
12- Junker Y1, Zeissig S, Kim SJ, Barisani D, Wieser H, Leffler DA, Zevallos V, Libermann TA, Dillon S, Freitag TL, Kelly CP, Schuppan D. Wheat amylase trypsin inhibitors drive intestinal inflammation via activation of toll-like receptor 4. J Exp Med. 2012 Dec 17;209(13):2395-408.
13- Volta U, Tovoli F, Cicola R, Parisi C, Fabbri A, Piscaglia M, Fiorini E, Caio G. Serological tests in gluten sensitivity (nonceliac gluten intolerance). J Clin Gastroenterol. 2012 Sep;46(8):680-5.
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